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Civada, entre mythe et réalité !

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La civada est un fourrage sec d’avoine très populaire en Catalogne mais pas ou peu connu en dehors de ces frontières régionales. Dans cet article nous présenterons ce fourrage. Puis, après quelques références techniques, nous proposerons des exemples de rations hivernales performantes pour des vaches rustiques allaitantes.

Qu’est-ce que la civada ?

La civada, terme catalan prononcé « sibade », est une paille d’avoine récoltée lorsque le grain est au stade laiteux – pâteux. Cela signifie que les feuilles sont vertes pâles à jaunes et que le grain est encore présent sur les épis. Le stade laiteux correspond au développement des graines, puis le stade pâteux à leur maturation. La date optimale de récolte se situe entre la fin du stade laiteux (lorsque les graines ont atteint leur taille finale mais qu’elles restent vertes) et le stade pâteux mou (quand le contenu de la graine est tendre mais sec, d’après Meier, 2001). A ce moment une trace faite avec l’ongle sur le grain est réversible. L’intérêt majeur de la civada est d’être un fourrage sec peu cher. Elle maximise la quantité de fourrage récolté tout en conservant des valeurs nutritionnelles intéressantes grâce à la présence des grains sur les épis.

Quelles valeurs nutritionnelles ?

La civada apporte avant tout de l’énergie mais très peu d’azote (voir tableau 1). Cependant, par kilo de MS cette ressource est plutôt pauvre. A titre de comparaison un foin 1ère coupe de très bonne qualité peut atteindre aisément 0,78 UFL. D’après les valeurs du tableau 1, nous pouvons considérer que la civada est à mi-chemin entre le foin de graminée et la paille de céréale. La « civada moyenne » décrite est un échantillon prélevé en ferme et récolté à la fin du stade pâteux.
Huit échantillons de civada sont comparés entre eux. Ces résultats présentés dans le tableau 2 montrent que les valeurs nutritionnelles sont très variables d’un échantillon à l’autre. La meilleure des civada apporte autant d’énergie qu’un bon foin de prairie (0,70 UFL), tandis que la plus mauvaise équivaut à une paille d’avoine classique. Donc pauvre en nutriments! Une telle différence de qualité s’explique principalement par la date de récolte.

Comme l’illustre le tableau 3, la différence de fourrage récolté entre le stade laiteux et la fin du stade pâteux augmente de 5,3 à 8 T/MS/ha, soit 50 % de rendement en plus. Dans le même temps, la digestibilité du fourrage baisse de presque -15 % et la quantité de protéine brute diminue de -33 %. Cela démontre bien qu’à quelques jours près, l’avoine perd énormément de sa valeur nutritionnelle. C’est pourquoi le choix de la date de récolte n’est pas le même pour l’éleveur ou le marchand de foin. L’éleveur privilégiera la qualité en fauchant tôt, tandis que le marchand aura tendance à faucher plus tard pour augmenter le rendement. Mais en dehors des considérations économiques, la météo conditionne énormément la date de récolte, donc la qualité de la civada récoltée. Il faut dans tous les cas privilégier la fauche précoce plutôt que tardive.


Quelques rappels de nutrition

  • L’énergie est exprimée grâce aux UFL (Unité Fourrage Lait)
  • L’azote est exprimé grâce aux PDI (Protéines Digestibles dans l’Intestin)
  • Les UEL (Unité d’Encombrement Lait) représentent le volume occupé dans le rumen pour 1kg de fourrage.
  • Toutes les valeurs massiques sont exprimées en kg de matière sèche (kg/MS)

Tableau 1: Comparaison de la civada aux fourrages communs. (Table aliment, logiciel Opcalim)

Tableau 1: Comparaison de la civada aux fourrages communs. (Table aliment, logiciel Opcalim)

Tableau 2: Valeurs nutritionnelles analysées des échantillons de civada. (Données Bovins Croissance 66, récoltes 2017 & 2018)

Tableau 3: Évolution du rendement et de la qualité du fourrage d'avoine selon le stade de récolte.(Traduit et adapté de Barnhart, 2011)

Comment valoriser la civada dans une ration hivernale ?

Pour couvrir les besoins des vaches en lactation, une ration doit apporter environ 0,70 UFL/kg de fourrage et 90g de PDI/UFL. La civada seule est assez éloignée de cet optimum puisqu’elle n’apporte que 0,60 UFL et 61g de PDI/UFL. C’est donc un fourrage déséquilibré et pas assez riche pour être distribué seul. Une ration à base de civada doit impérativement être complétée par un concentré. C’est ce que nous allons voir.
Les rations hivernales présentées ci-dessous sont calculées pour des femelles Aubrac ou Gasconnes à 3 mois lactation. Elles tiennent compte de la perte d’état volontaire de -0,5 point. Le but est d’analyser différentes situations fréquemment rencontrées dans les élevages des Pyrénées-Orientales.

Ration 1 : La simplicité, civada + aliment
Ration 2 : La plus fréquemment distribuée
Ration 3 : L'optimum technico-économique
Le principe de cette ration est la simplicité d’utilisation. Elle se compose de 9 kg brut de civada et de concentré. Par contre le coût (2,10 €/vache/jour) de cette ration est élevé à cause de la quantité importante d’aliment distribuée. En effet, tout en saturant la capacité d’ingestion des bêtes, la civada ne couvre pas les besoins nutritionnels. Pour s’approcher au mieux d’une ration équilibrée il faut distribuer plus de 4kg d’aliment /vache/j. Le coût de la simplicité est élevé et l’équilibre nutritionnel n’est pas totalement atteint.Cette deuxième ration est la plus couramment distribuée dans les PO. Elle se compose de 2/3 de civada, complémentée en azote par 1,8 kg brut de foin de luzerne puis ajustée par le  concentré. La quantité de luzerne à apporter est inférieur à 2kg car l’énergie est le facteur limitant de cette formule. Or la luzerne apporte principalement de l’azote. Le concentré quant à lui est plus équilibré et entre dans la formule à hauteur de 2,6 kg/vache/j. Par rapport à la ration précédente, l’ajout de la luzerne permet de faire baisser le coût de 12 cent €/vache/j. Au ratelier on observe souvent que la part de luzerne est trop élevé par rapport à la civada. En cas d’excès d’azote important, le métabolisme des animaux est altéré (baisse fertilité, diarrhées des veaux…). Bien qu’à peu près équilibrée cette ration ne couvre que 95 % des besoins énergétiques.Que nous montrent les 2 premières formules ? Une ration à base de civada manque d’énergie. Donc la solution la plus simple est de complémenter avec une céréale ! C’est pourquoi cette ration se compose pour plus de la moitié de civada puis complémentée en azote par 1/3 de luzerne. Enfin, l’énergie manquante est assurée par une céréale aplatie, le triticale par exemple. Avec 1,9 kg/vache/j de triticale, les besoins sont entièrement couverts, la perte d’état est limitée à 0,5 points de NEC et surtout le prix de revient est faible. Cette ration coûte 1,77 €/vache/j, soit 21 cent€ de moins que la ration 2. Pour 50 vaches pendant 120 jours d’hivernage cela représente une économie de 1260€ !

Prix des matières premières (prix constatés 2018)

Civada = 110 €/T

Foin de luzerne = 150 €/T

Triticale = 160 €/T (prix région Occitanie 2018)

Aliment = 284 €/T (aliment couramment utilisé dans le département ; 0,84 UFL, 125 g/kg PDIN, 115 g/kg PDIE)


L’avis du technicien

La civada est intéressante dans la mesure où elle est utilisée correctement. C’est effectivement un fourrage peu cher qui permet de passer l’hiver à moindre frais. Pour cela l’éleveur mise sur la capacité des vaches à perdre puis récupérer de l’état corporel selon la disponibilité des ressources à la pâture. Bien que très appétente, la paille d’avoine doit préférentiellement être réservée aux animaux à faible besoin (à l’entretien, tarie…) ou pour apporter de la fibre destinée à lester le rumen (bêtes à l’engrais, en complément de regain pâturé...). Cette caractéristique est intéressante pour assurer la continuité de la fibrosité entre les parcours (riche en végétaux ligneux, fibreux) et l’alimentation hivernale. Cette dernière est normalement moins fibreuse si les fourrages sont de bonne qualité. Les transitions alimentaires brutales sont à proscrire.
Néanmoins, pour les vaches allaitantes la meilleure valorisation de la civada passera obligatoirement par l’ajout d’une céréale ou d’un concentré. Il faut être très attentif à ne pas saturer la capacité d’ingestion des bêtes sans couvrir les besoins d’entretien, d’allaitement voir même de croissance pour les jeunes vaches ! Une attention particulière est primordiale pendant une période très froide car les besoins d’entretien sont plus élevés.
Pour l’approvisionnement soyez très attentif à la qualité que vous achetez. La civada est un fourrage qui ne supporte pas la médiocrité ! Bien souvent les fourrages destinés à la vente ne sont pas de très bonne qualité. Demandez à votre vendeur de fournir des analyses ! L’impact est d’autant plus important avec la paille d’avoine que c’est un fourrage peu riche. Au final c’est une ressource intéressante qui gagne à être produite sur son exploitation.

Clément LASSALAS, technicien Bovins Croissance 66

Bibliographie :

Barnhart S. « Oats for Forage ». In : Iowa State Univ. [En ligne]. 2011. Disponible sur : < crops.extension.iastate.edu/cropnews/2011/06/oats-forage > (consulté le 11 janvier 2019)

Meier U. Stades phénologiques des mono-et dicotylédones cultivées [En ligne]. 2e édition. Centre Fédéral de Recherches Biologiques pour l`Agriculture et les Forêts, 2001.


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